mercredi 15 septembre 2010

La théorie des zones monétaires optimales

La théorie des zones monétaires optimales (aussi appelée théorie ZMO) est une théorie économique de l'américain Robert Mundell, exposée en 1961 dans « A Theory of Optimum Currency Areas ». Cette théorie lui valut le prix Nobel d'économie en 1999. Elle étudie l'opportunité, pour différents pays, de former une union monétaire et définit les critères idéaux pour que son fonctionnement soit le meilleur possible.

Une zone monétaire optimale est une région géographique dans laquelle il est bénéfique d'établir une monnaie unique. Elle se caractérise par deux critères :

  • l'absence de chocs asymétriques (un choc asymétrique se produit lorsqu'une région de la zone monétaire est touchée par la crise, et pas une autre),
  • la mobilité des facteurs de production (le marché du travail et les marchés de capitaux doivent être flexibles : possibilité pour les marchés de s'équilibrer en cas de chocs).

A la suite de Mundell, d'autres économistes ont cherché à découvrir des critères supplémentaires pour apprécier la pertinence d'une union monétaire. On peut énumérer les plus importants :

  • pour Mac Kinnon (« Optimum currency areas », 1963), plus les économies présentent un degré d'ouverture élevé et des échanges réciproques important, plus elles ont intérêt à participer à une union monétaire ;
  • pour Kenen (« The theory of optimum currency areas: an ecletic view », 1969), le degré de diversification du tissu productif permet de limiter l'impact des chocs asymétriques, de se passer de l'instrument du taux de change et donc former une zone monétaire optimale. En effet, plus les structures de production sont diversifiées, et moindre est le risque d'être affecté par un choc spécifique ;
  • pour Johnson (« Further Essays in Monetary Theory », 1970), l'existence d'un budget fédéral apparaît comme un substitut à l'ajustement par le change. L'intégration budgétaire et fiscale permet d'engager une action spécifique dans la zone concernée par le choc via des transferts budgétaires entre les régions.

Selon Robert Mundell, une union économique monétaire présente des avantages et des inconvénients. Les avantages consistent en la diminution des coûts de transaction liés à l'existence de plusieurs monnaies différentes, à un gain en termes de liquidité de la monnaie qu'entraine toute extension de son aire de circulation et à l'essor du commerce dans la zone considérée. L'inconvénient réside dans la perte de la politique du taux de change permettant d'absorber les chocs via la dévaluation. Par exemple, avec une union monétaire, un pays perd sa possibilité de répercuter sur sa monnaie une hausse du prix des matières premières.

Le poids de cet inconvénient dépend de l'intérêt que peut avoir un pays à pratiquer une politique monétaire autonome. Pour Robert Mundell, un régime de change flottant apparaît toujours plus efficace qu'un régime de change fixe ou qu'une monnaie unique pour amortir les chocs économiques. Si deux pays membres connaissent des situations économiques radicalement différentes et qui nécessitent des politiques économiques opposées, alors une monnaie unique devient une entrave à l'intervention étatique. Dès lors, l'opportunité d'une union monétaire dépend du degré d'homogénéisation des économies concernées et à la capacité de l'union à résoudre les éventuels chocs asymétriques par d'autres moyens que la politique monétaire. La résolution des chocs asymétriques dépend du degré d'intégration économique au sein de l'union.

Le dilemme des autorités monétaires face à un choc asymétrique est le suivant. Si dans une zone monétaire, on trouve deux régions, chacune spécialisée dans la production d'un bien, par exemple pour l'une, la production de bois, et pour l'autre, la production d'automobiles, et que cette dernière est affectée par une augmentation subite de la demande de véhicules neufs, alors toute chose égale par ailleurs, il y aura une demande excédentaire pour les produits de cette région (les voitures) et une offre excédentaire pour les produits de l'autre (le bois). Les prix vont augmenter dans une région (hausse de l'inflation), et pas dans l'autre (création de chômage). L'alternative pour les autorités monétaires va être de devoir décider de combattre ou l'inflation ou le chômage. Pour que le problème se résolve de lui-même, il faut une mobilité totale des facteurs de production, c'est-à-dire du capital (l'augmentation de l'offre de véhicules limite l'augmentation des prix) et du travail (les chômeurs de la région qui produit du bois vont travailler dans la région qui produit des voitures).

Au regard de cette théorie, la zone euro ne peut pas être considérée comme une zone monétaire optimale. La flexibilité des marchés n'est pas suffisante, notamment celle du marché du travail puisque les mouvements de travailleurs demeurent très faibles. En outre, l'intégration politique, l'existence d'un budget commun digne de ce nom par exemple, fait cruellement défaut à cette zone monétaire. Le budget de l'Union européenne, près de 1% du PIB de l'UE, ne permet pas de réaliser des transferts capables de répondre à des chocs asymétriques. En conséquence, il peut apparaître souhaitable de séparer la zone euro en deux.

Dans « La solution des deux euros » (2010, Les Echos), l'économiste Christian Saint-Etienne constate qu'il existe déjà deux zones différentes : l'une est centrée sur les exportations et affiche des excédents (l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas), l'autre davantage sur la consommation et enregistre des déficits (la France notamment et les pays du sud de l'Europe). Il semble donc économiquement justifié selon lui, d'envisager la partition de la zone euro : l'une centrée sur le premier groupe de pays et l'autre sur le second. Le premier euro serait un euromark et le second un eurofranc. Chaque zone serait dotée d'une banque centrale et assurerait une meilleure coordination des politiques monétaires centrée autour de l'axe franco-allemand.

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